Les terres closes

Et voilà la conclusion, très attendue (très attendue par moi au moins) de l’exceptionnelle trilogie des maîtres enlumineurs de Robert Jackson Bennett : Les terres closes.

Difficile de résumer sans révéler gravement la fin du deuxième volume. Sachez que Sancia, ex voleuse, après avoir mis à bas les grandes maisons de la cité de Tevanne, a affronté un hiérophante, le père de tous les magiciens pour résumer. Mais elle et ses amis doivent maintenant faire face à un danger encore plus grand qui menace de détruire le monde, rien de moins. Et pour se tirer d’affaire, Sancia va devoir faire appel à toute l’aide qu’elle peut trouver, et mettre au point le braquage le plus compliqué et le plus audacieux de son existence. Je sais, c’est pas terrible comme résumé, mais sachez qu’il va y avoir de la baston, du suspense, de l’émotion, de la réflexion, et que c’est bien le dernier volume de la trilogie.

Première chose à dire, quand une série comme celle-là suscite autant d’attente, qu’elle fait autant monter le suspense et qu’elle soulève autant de questions, on peut être inquiet et craindre que le final ne soit pas à la hauteur du développement. Soyez rassuré, on en prend plein les yeux, les oreilles et les tripes.

Ce troisième volume éclaire, de façon magistrale, toute l’ambition de ce projet qui transpose, dans un univers de fantasy, des problématiques qui sont habituellement celles de la SF. Je ne suis pas un spécialiste de ces genres, et je manque de références, mais c’est la première fois que je lis une série qui mêle les genres avec une telle maestria. Sous couvert de magie, l’auteur nous parle d’informatique, de logiciel libre, d’intelligence artificielle, de transhumanisme, du web, de moteurs de recherche … mais également de pouvoir, de démocratie, de différents modèles politiques. C’est vertigineux.

Et d’aucune façon aride ou ennuyeux. Parce qu’il s’appuie sur des personnages incroyables, inoubliables. Parce qu’aucun n’est monolithique, tous évoluent, tous ont leur raison. Ici pas de Mal métaphysique, pas de grand méchant qui soit un pur monstre, les pires menaces sont le produit de leur histoire, de leur évolution. Magistral là aussi.

Et puis, damned, quel spectacle ! C’est du cinémascope avec son dolby et sièges qui tremblent ! Heureusement que l’auteur n’a besoin que d’un ordinateur, de beaucoup d’imagination et d’un talent immense, ceux qui tenteraient de mettre tout ça en image risquent d’en avoir pour cher. Tout cela pour terminer sur quelques pages intimistes qui vous prendront aux tripes.

J’espère que vous êtes convaincus. Que ceux qui pensent que ce type de littérature c’est pour les mômes ou les ados, ou que le SF et la fantasy c’est pas pour eux, vont changer d’avis et essayer, parce qu’avec intelligence, sensibilité, une imagination débordante et un souffle ébouriffant il est évident que Les maîtres enlumineurs nous parlent de nous, aujourd’hui et demain.

Robert Jackson Bennett / Les terres closes, (Locklands, 2022), Albin Michel/ Imaginaire (2023) traduit de l’anglais (USA) par Laurent Philibert-Caillat.

15 réflexions au sujet de « Les terres closes »

  1. Cush

    On est bien d’accord cette trilogie est géniale avec son système de magie très originale. La seule autre trilogie de fantasy à (très) gros spectacle que j’ai autant aimée est celle des poudremages avec là encore un système de magie assez unique bien que très différent.

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    1. actudunoir Auteur de l’article

      Je note. Dans un style très différent j’avais aussi beaucoup aimé les 3 premiers volumes de La Compagnie Noire, très sombres; Après j’ai trouvé que ça s’éternisait.

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  2. Cush

    La compagnie noire fait partie de mes futures lectures. Dans le même genre Dark fantasy j’ai lu les trois premiers volumes du Livre des martyrs. C’est bluffant et d’une ambition folle, mais l’auteur te prévient dès le débute que ça se mérite car il ne te donne pas les clés dès le début.

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      1. Cush

        En effet, il s’agit d’une décalogie dont chaque volume fait entre 900 et 1 300 pages. Les livres ne répondent pas forcément au éléments précédant, il faut parfois attendre deux voire trois volumes pour obtenir les explications. Les personnages sont extraordinaires et franchement ambigus.

      2. Damien

        J’ai un carton de déménagement avec les 10 dedans si jamais tu es motivé et que tu as (beaucoup) de temps ! 😉

  3. Norbert

    Salut JM !
    Quand je lis sur ton blog : « on en prend plein les yeux, les oreilles et les tripes », en général je fonce !
    Et même si je ne suis pas un lecteur de fantasy et que je n’y connais rien, j’ai jeté un oeil à ton avis sur les précédents volumes et j’ai directement commandé le 1er tome chez mon libraire. Et, même si j’ai vu que tu avais moins accroché, j’ai également été attiré par « American Elsewhere » du même auteur et qui a le bon goût d’être paru en poche entre temps, donc… banco là aussi!
    PS: si c’est possible pour toi (et que t’en as envie aussi, bien sûr), ça pourrait être sympa si tu pouvais chroniquer régulièrement des titres de cette coll. imaginaire d’Albin Michel, j’ai déjà repéré d’autres trucs, plus SF, qui ont l’air pas mal du tout…

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    1. actudunoir Auteur de l’article

      Salut,
      Je lis quand même plus de polar, par goût, pour préparer Toulouse Polars du Sud etc … j’ai vu effectivement de belles choses dans cette collection, et quand j’en lis je fais une chronique.

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  4. Cush

    Je viens de commencer le premier volume de sa trilogie, antérieure aux Maitres enlumineurs, qui vient juste d’être publiée. C’est très bien, le worldbuilding est riche avec une fantasy coloniale sur fonds d’anciens dieux morts – encore que – et d’objets aux propriétés magiques. C’est un univers assez différent du monde de Sancia, plus technologique. Les deux personnages principaux sont très réussis, notamment le « secrétaire » de l’héroïne.

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