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Une disparition inquiétante

TPS a été l’occasion de découvrir deux auteurs (un auteur et une autrice en fait), dont je n’avais lu que le tout dernier roman, et d’acheter les premiers. Je fais donc deux petits retour en arrière histoire de prolonger le plaisir du week-end avant un retour à l’actualité. Le premier Une disparition inquiétante de Dror Mishani, Boccanera de Michèle Pedinielli suivra.

« Face à lui était assise une mère. Encore une. » C’est ce qui traverse la tête d’Avraham Avraham ce jour-là face à une mère qui s’inquiète parce son fils, parti au lycée le matin, n’est pas rentré à l’heure prévue. Il essaie de lui expliquer que s’il n’y a pas de roman policiers en hébreu, c’est qu’il n’y a ni serial killer, ni violeur en série à Tel Aviv et que son gamin est sans doute allé faire un tour en ville avec des copains, ou une nouvelle copine.

Sauf qu’Ofer ne revient ni le lendemain, ni les jours suivants. Et Avraham commence à s’en vouloir d’avoir renvoyé un peu cavalièrement la mère le premier jour. Les jours passent l’enquête piétine, et un prof, voisin du disparu, a une attitude étrange …

Voici donc la première apparition d’Avraham. D’emblée le ton est donné. Ce n’est pas un super flic, il ne boit pas, ne se drogue pas, n’est pas particulièrement rebelle. Un flic normal, un comme on aimerait en rencontrer au besoin, humain, tenace, plein d’empathie, qui doute souvent mais continue malgré tout.

Même s’il n’a rien de flamboyant, on s’attache rapidement à ce petit bonhomme qui semble terne mais fait preuve de ténacité, pète aussi un câble de temps en temps car il est humain, et aimerait bien sans doute avoir une vie un peu plus intéressante.

L’intrigue avance lentement, puis, sans en avoir l’air s’accélère, la tension s’installe, grandit jusqu’à un final qui vous surprendra. Très bon premier volume d’une série que je vais avoir plaisir à lire.

Dror Mishani /Une disparition inquiétante, (Tik N’edar, 2011), Folio Policier (2023) traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz.

Un simple enquêteur

Je n’avais encore jamais lu de roman mettant en scèneAvraham, le flic de Dror Mishani. C’est chose faite avec Un simple enquêteur. C’est le premier pour moi, mais certainement pas le dernier.

Avraham, qui vient de se marier et qui a un nouveau supérieur depuis le décès de sa chef et mentor a des doutes sur son métier. Il a l’impression de ne rien régler et de ne faire qu’ajouter du malheur au malheur, en clair, de ne servir à rien. C’est pourquoi il demande sa mutation à un poste plus important pour le pays.

En attendant il va s’intéresser à la disparition d’un touriste français d’un hôtel de seconde zone. Dans le même temps sa collaboratrice cherche à savoir qui a abandonné un bébé prématuré à la porte d’un hôpital. Deux enquêtes qui, étrangement, vont se croiser.

J’avais raté mon premier rendez-vous avec Dror Mishani. Je n’avais pas du tout accroché à son roman précédent Un deux trois, mais là je suis conquis. Tout ce que j’aime chez mes enquêteurs préférés. Un personnage humain, qui doute, qui parfois a peur, qui n’a pas un courage surhumain mais qui a des valeurs, qui s’accroche. Une histoire bien construite, avec beaucoup d’humanité. Des personnages secondaires inoubliables comme cette mère bigote et possessive (je vous laisse découvrir).

Et au travers d’une histoire et de personnages qui vous emportent, le portrait tout en petites touches et en finesse de la société israélienne actuelle. Un très grand plaisir de lecture. J’espère retrouver très vite Avraham qui est devenu, en un seul roman, un des personnages dont j’attends impatiemment des nouvelles.

Dror Mishani / Un simple enquêteur, (Emuna, 2021), Série Noire (2023) traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz.

Unité 8200

Je l’avais laissé passer, malgré des avis plutôt positifs. La chaleur, la farniente, deux bonnes raisons de me plonger dans Unité 8200 de l’israélien Dov Alfon.

AlfonUn passager de El Al est enlevé, ouvertement, à la sortie de la zone des bagages à Roissy. Le colonel Abadi, agent du Mossad en disgrâce se trouvait là par hasard (par hasard ?), et va se retrouver dans les pattes du commissaire Léger en charge de l’affaire. Ajoutez une belle blonde, des tueurs chinois, un hacker russo-israélien, des intrigues au sein des services israéliens, des politiques français spécialistes du jeu de la patate chaude, un mystérieux donateur suisse et quelques cadavres. Accélérez le tout, c’est parti.

Ce n’est pas le polar de l’année, ce n’est pas non plus du John Le Carré c’est certain. D’ailleurs l’auteur aurait gagné à avoir un éditeur qui l’oblige à simplifier quelques péripéties, et surtout des magouilles internes aux services qui restent bien obscures et ne font pas avancer le bazar.

Cette petite restriction faite, on ne s’ennuie pas une minute, ça va à fond, l’auteur rythme très bien ses passages d’un personnage à l’autre et les retournements de situation qui en résultent. On lit sourire aux lèvres, comme on regarde un James Bond et on referme le bouquin sans avoir vu le temps passer après une belle visite de Paris.

Une lecture d’été parfaite.

Dov Alfon / Unité 8200, (A long night in Paris, 2019), Liana Levi (2019) traduit de l’anglais par Françoise Bouillot.

Le dernier polar de 2015

Je n’ai pas lu beaucoup de polars israéliens, aucun même à part deux ou trois de Batya Gour. Je me suis donc dit que j’allais terminer l’année avec une découverte (pour moi) : Une proie trop facile de Yishaï Sarid.

Mise en page 1Le narrateur a trente ans, il est avocat sans succès, son seul client est moitié fou et il végète dans son cabinet minable de Tel-Aviv. C’est pourquoi il accepte l’appel d’une connaissance de la police militaire qui voudrait qu’il rempile pour quelques jours, le temps de tirer au clair une affaire qui embarrasse l’armée : Une jeune femme, soldate, accuse un brillantissime capitaine de l’avoir violée.

Tout semble aller contre elle : elle est instable alors que le jeune homme a des états de service irréprochables et est adoré de ses hommes. Des cabinets de Tel-Aviv à un avant poste au Liban, en passant par les petites villes perdues dans le désert, le pauvre avocat va s’apercevoir que tout est plus compliqué qu’il n’y paraît.

Je ne demandais pas plus que d’aimer ce bouquin. Et j’aurais voulu terminer l’année sur une note enthousiaste. Mais je me suis un peu ennuyé.

Pourtant ce polar n’est pas inintéressant : la peinture de la société israélienne par l’auteur est riche, complexe, et très éloignée de ce qu’on peut imaginer vu d’ici. Très contrastée mais finalement moins conflictuelle qu’on pourrait l’imaginer au vu des informations qui nous arrivent. Contrastée entre les arrivistes intéressés uniquement par l’argent, les fanatiques religieux, les patriotes qui n’agissent qu’en fonction de l’intérêt de l’état, et une bonne partie de la jeunesse qui erre, sans trop savoir que faire de sa vie. Mais ces gens là, comme dans toute société, cohabitent, vivent les uns à côté des autres, sans vraiment se croiser ni s’affronter. Seul l’enquêteur, obligé d’aller partout, se frotte à tout le monde.

Belle description donc, mais pourquoi ma réticence ?

Essentiellement parce que c’est mou, très mou. A l’image d’un narrateur mou et sans relief, qui passe son temps à dormir quand il n’est pas vraiment obligé de travailler. Et, à l’image du personnage principal qui n’a rien d’enthousiasmant, l’écriture aussi est molle et plate. Pas d’humour, pas d’éclats, pas d’enthousiasme. On ne sent pas la peur du narrateur quand il doit s’avancer en zone de guerre, on ne sent pas sa colère quand on se moque de lui, on ne sent pas sa pitié …

Dommage, avec une situation de départ qui aurait pu être brulante, j’ai eu la sensation de baigner dans une eau tiède. Il paraît que c’est le premier roman de l’auteur, le suivant, déjà publié en France, est peut-être plus réussi …

Maintenant, ciao, et à l’année prochaine.

Yishaï Sarid / Une proie trop facile (Teref Kal, 2000), Actes Sud/Actes Noirs (2015), traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz.