Dan Fante digne fils de son père.

Un polar de Dan Fante, quand on a lu et relu le papa, d’un côté ça ne se refuse pas, de l’autre ça fait peur. Peur d’être déçu, peur que ce ne soit qu’un coup de pub, un « fils de » sans talent et sans prénom. Je sais que ce n’est pas le premier roman de Fante fils traduit, quoi qu’il en soit, Point Dume met les choses au point et de quelle manière !

Fante-DumeJD Fiorella n’est pas ce qu’on pourrait appeler un homme aimable. Après une carrière de privé à New-York qu’il a été obligé d’abandonner pour une raison que l’on découvrira, il est revenu habiter chez sa mère à LA. Entre deux séances chez les AA il tente de trouver un boulot comme vendeur de voitures d’occasion. Et tout ça le met en rogne permanente. Quand un jeune con lui fait une queue de poisson au volant d’un Porsche jaune, il le suit. Et comme le jeune con répond mal, il décide de lui donner une leçon de politesse un peu appuyée. Le jeune en question, qui se trouve être une jeune, ne savait pas qu’il ne faut pas chercher JD quand il est au volant de la Honda pourrie de sa mère. JD, lui, ne savait pas qu’il venait de se faire une ennemie mortelle, et que cette ennemie était complètement givrée. A partir de là, ça commence à saigner.

Attention, ça tâche ! La couleur d’ensemble est donnée dès le prologue et le ton de la narration dès le premier chapitre :

« Albert est un trou de balle prétentieux. Son visage estampillé cinquante ans trahit une récente plastie des bajoues, il sourit en permanence de toutes ses facettes dentaires, semble toujours porter une attention particulière aux nouvelles venues ayant la moitié de son âge et ne manque pas une occasion de se présenter à elles pour se fendre de quelque bon mot éculé, dégoulinant de morve, sur le rétablissement tandis qu’il reluque leurs tétons et note leur numéro de téléphone pour ensuite s’acquitter de ce que les AA qualifient d’« appel de parrainage ». Pour on ne sait quelle raison Albert est moins accueillant avec les clients de passage, les autochtones merde-au-cul, et les mecs comme moi : des types qui essaient juste de finir la journée sans boire ou se faire sauter la cervelle. »

C’est parti et c’est trash. C’est aussi très méchant de façon très réjouissante. Fante fils a la plume aussi acérée que feu son père, comme lui il puise visiblement beaucoup en lui-même pour construire son personnage, comme lui il a une opinion assez peu flatteuse de ses semblables en général, des flics, des richissimes magnats l’industrie du cinéma ou des patrons maquereaux de garages de vente de voitures en particulier !

C’est féroce, sans concession, et ici attention quand cette teigne de narrateur se trouve face à un véritable psychopathe ça saigne pour de vrai, deux bêtes féroces se trouvent face à face, l’auteur n’épargne rien au lecteur ! Comme le dit JD à un flic qui lui affirme :

« – J’ai tout mon temps. Pour ça ou pour autre chose.

-Pas moi. Je chasse. Je vais me remettre en chasse très bientôt. Et quand je tiens ma proie je l’abats. C’est toute la différence entre vous et moi. »

Cela pourra choquer certains lecteurs, cela pourrait une simple surenchère de violence et de tripaille, c’est sauvé par une écriture d’une énergie, d’une méchanceté et en même temps d’une humanité qui change tout et en fait un livre marquant.

Dan Fante / Point Dume (Point Dume, 2013), Seuil/Policiers (2014), traduit de l’anglais (USA) par Samuel Todd.

7 réflexions au sujet de « Dan Fante digne fils de son père. »

  1. Françoise

    Une vraie merveille. D’une méchanceté jubilatoire qui pourrait être insoutenable, mais qui est sauvée par l’humanité du héros et par l’humour de l’écriture. Un pur bonheur…

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