Rosa Montero revisite Blade Runner

Quelle ne fut ma surprise, en recevant le programme des parutions de Métailié pour le début de 2016, de lire à propos d’un nouveau roman de Rosa Montero : « Bruna Husky, la réplicante de combat des larmes sous la pluie, a du vague à l’âme, la brièveté de sa vie programmée l’angoisse. Sa nouvelle enquête l’embarque dans une sombre affaire de poubelles atomiques aux confins du monde connu, dans une zone où règne une guerre permanente. » ? Double looping ! Comment, Rosa Montero dont j’avais adoré Territoires barbares a écrit un roman polar/SF dans l’univers de Blade Runner et je n’en savais rien ? Non mais quelle bille ! Je me suis donc précipité sur Larmes sous la pluie, et le suivant suivra dès le début d’année prochaine.

montero-larmesNous sommes sur Terre au début du XXII° siècle. Une Terre polluée sur laquelle cohabitent, tant bien que mal, quelques rares extraterrestres, des humains, et des réplicants, ces humanoïdes créés par l’homme. Des réplicants dont il est fait mention pour la première fois dans un très vieux film du XX° siècle …

Bruna Husky était une réplicante de combat. Une fois son « contrat » de guerrière terminé elle s’est installée comme détective privée. Il lui reste un peu plus de quatre ans à vivre avant sa fin programmée quand elle est contactée par la présidente du mouvement qui défend les droits (souvent bafoués) des androïdes : quatre reps se sont suicidés de façon atroce, après avoir massacré d’autres androïdes. S’agit-il d’un virus ou d’une manœuvre de ceux qui veulent, sur Terre, se débarrasser de ceux qu’ils appellent des monstres ? Bruna va devoir faire vite, très vite, car la situation est en train de devenir explosive et les jours sombres où humains et réplicants se faisaient la guerre pourraient être de retour.

Quel pied !

Pour commencer, j’adore les mélanges de genres, et là il est particulièrement réussi, aussi réussi que, par exemple, dans la série de George Alec Effinger et de son privé du futur.

Ensuite, je suis un fan de Blade Runner, que j’ai revu il y a peu avec mon grand. La dernière scène entre Ford et Hauer, avec la magnifique tirade du réplicant qui meurt, sous la pluie, après avoir sauvé Ford est inoubliable, j’aime que le titre y renvoie, faisant revenir immédiatement les images du film :

« J’ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire. De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion. J’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de la porte de Tannhäuser. Tous ces moments se perdront dans l’oubli comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir. »

Ca c’est pour la référence.

Et bien entendu, on marche à fond dans cette histoire parce que, même sans avoir vu le film (ou lu le texte de Ph. K. Dick), le roman fonctionne parfaitement.

Des personnages superbes (qu’ils soient androïdes ou humains), une intrigue fort bien ficelée, un monde futuristes très cohérent, une façon très habile et littéraire de décrire ce qui s’est passé entre notre époque et celle du récit (je vous laisse découvrir le joli subterfuge).

Et comme c’est souvent le cas dans les très bons romans de SF, c’est en parlant d’un hypothétique futur que l’auteur parle très bien d’aujourd’hui. On ne me fera pas croire que c’est un hasard si Rosa Montero nous décrit, aujourd’hui, un futur où des mouvements extrémistes veulent se débarrasser de gens différents, où ils jouent sur les peurs, sur les frustrations … Les androïdes ont bon dos !

En résumé, un roman passionnant, prenant et intelligent, et qui ravit, encore plus, les nombreux fans de Blade Runner.

Signalons que ce premier volume sort début janvier en poche, au moment où le suivant Le poids du cœur, sort en grand format. Rendez-vous donc dès le début d’année prochaine pour la suite des aventures de Bruna Husky.

Rosa Montero  / Des larmes sous la pluie (Lagrimas en la lluvia, 2011), Métailié (2013), traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse.

5 réflexions au sujet de « Rosa Montero revisite Blade Runner »

  1. keisha41

    Voyons voyons, on a une petite faiblesse? On s’est raté un Rosa Montero? Pfff, ça passe pour cette fois, tu t’es bien rattrapé…
    J’ai lu ce roman sans avoir lu Blade Runner (ce que je fis fissa, la bête étant sur une PAL préhistorique) et le nouveau de Montero m’attend sur l’étagère.
    Je n’ai pas vu le film.
    Allez, je suis ravie de l’avis d’un expert en blade runner!

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      1. Catherine Whitebird

        Une des plus belles scènes de SF. A chaque fois, je m’émerveille et je pleure.
        « All those moments will be lost in time. Like tears in rain. Time to die. »
        De l’absolue impossibilité de transmettre l’indicible. Souvent. Et parfois, une oeuvre, un artiste réussit l’impossible.

        Avez-vous lu « Try to Remember » de Frank Herbert ? Parue dans un recueil de nouvelles « Champ Mental ». Sur le language. Magnifique. En la lisant, j’ai pensé à la langue Lakota et à sa beauté.

      2. actudunoir Auteur de l’article

        Houla, ça fait mal ! Frank Herbert je l’ai lu il y a *ù*ù années ! mais je n’ai pas souvenir d’avoir lu des nouvelles de lui, seulement des romans, la série de Dune bien entendu, mais aussi quelques autres dans une collection qui, se je me souviens bien, avait une couverture métallique du plus bel effet !
        Du coup je n’ai pas souvenir de cette nouvelle.

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