Gargantua chez les flics belges

J’ai très peu lu Franz Bartelt (et c’est un tort). Mais j’avais beaucoup aimé Le jardin du bossu. Et comme plusieurs blogs disaient du bien de Hôtel du Grand Cerf, je me suis lancé. Avec grand plaisir.

BarteltNicolas Tèque, journaliste pas vraiment débordé par le boulot, accepte de se rendre à Reugny dans les Ardennes belges pour enquêter en vue de faire un film sur des faits vieux d’une bonne quarantaine d’années : Rosa Gulingen, star de cinéma se trouvait avec son amant Armand Grétry à Reugny, à l’hôtel du Grand Cerf pour tourner un film. Après moins de deux semaines de tournage, elle avait été retrouvée, noyée dans sa baignoire. La police avait conclu au suicide.

Un ami et employeur de Nicolas veut tourner un documentaire sur cette fin dramatique et lui demande d’aller interroger les survivants de l’époque. Mais, car il y a un mais, les habitants de ce petit village des Ardennes n’aiment pas parler aux étrangers. Et ce n’est pas l’assassinat, la veille de l’arrivée de Nicolas d’un douanier à la retraite détesté de tous qui va les rendre bavards. D’autant que d’autres drames viennent frapper Reugny, et que l’éléphantesque inspecteur Vertigo Kulbertus qui vient enquêter sur les troubles actuels ne fait pas dans la dentelle.

Hôtel du Grand Cerf est avant tout un vrai plaisir de lecture, une friandise qui met en joie tout en agaçant les dents. Le lecteur jubile tout au long du roman, emballé par le style enlevé, l’humour fin et cruel, la méchanceté assumée des personnages et de l’écriture, l’impression que l’auteur ne s’est rien refusé, rien censuré, et que pourtant, le tout est cohérent et fonctionne, que toutes les fils du récit finissent de former un vrai tableau, là où un auteur moins talentueux nous aurait laissé un vrai sac de nœuds. Parce que tout marche, tout se recoupe, pour le plus grand plaisir d’un flic gargantuesque inoubliable, qui malheureusement prend sa retraite à la fin du bouquin.

Autre grand plaisir, si à la fin les coupables sont découverts, n’allez pas croire pour autant qu’ils seront forcément châtiés, ou du moins, pas de façon très conventionnelle. Là aussi, l’auteur fait preuve d’une inventivité, d’une malice et d’une drôle de morale particulièrement jouissives.

Pour finir, derrière la farce, le portrait d’une petite communauté, liée par les secrets, les mensonges, les cadavres cachés dans les différents placards, une communauté où on s’épie, on se jalouse et on se trompe, mais où on fait face à celui qui vient d’ailleurs, ce portrait est cruel et particulièrement juste.

Un vrai bijou noir particulièrement savoureux qui mêle avec bonheur la finesse de la description à la farce la plus extravagante.

Franz Bartelt / Hôtel du Grand Cerf, Seuil/Cadre noir (2017).

7 réflexions au sujet de « Gargantua chez les flics belges »

  1. Meyer Meyer

    Quelle jubilations ! Le personnage de Vertigo Kulbertus est vraiment génial (il m’a fait pensé au policier du film ma Loute).J’avais des a priori négatifs et stupides sur le livre et j’ai eu du mal sur les 30 premières pages, mais après quel plaisir ! Une inventivité de tous les instants et des personnages plus savoureux les uns que les autres. D’après tes écrits  » le jardin du bossu » vaut le détour et je crois que je vais aller y faire un tour.

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    1. actudunoir Auteur de l’article

      Mon souvenir du Jardin du bossu est plus ancien. C’est celui d’un roman original, et assez jubilatoire. Mais peut-être moins que celui-ci qui est vraiment enthousiasmant.

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  2. Meyer Meyer

    Je viens de lire le Jardin du bossu. C’est en effet très drôle et original mais nettement moins bien ficelé que l’hôtel du grand cerf. Franz Bartelt, un auteur que je vais suivre

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