Le prix de la vengeance

Un nouveau Don Winslow, ça ne se refuse pas. Le prix de la vengeance est assez atypique, puisqu’il rassemble 6 novellas. Un pur plaisir de lecture.

Un recueil très cohérent, et varié. Il s’ouvre et se referme sur deux textes sombres et durs. Entre les deux, on a droit au Don Winslow cool. Dans l’ordre d’apparition :

Le prix de la vengeance. Une histoire de … vengeance (sans blague) à la Nouvelle-Orléans. Vengeance de flic dans le monde déjà violent de la drogue. C’est trash, dans un monde qui peut rappeler celui de Corruption. Pas de gentils, que des enfoirés, certains un peu plus que d’autres, mais les fics sont aussi violents, hors la loi et dérangés que les trafiquants auxquels ils sont confrontés.

Crime 101, dédié à Steve McQueen est un bel hommage au cinéma, et à la côte ouest. Des personnages très cools et très pros, des dialogues à la Elmore Leonard, un hommage aux films de Steve McQueen bien entendu, mais également à La main au collet d’Hitchcock pour cet affrontement entre un gentleman cambrioleur qui ne fait que des gros coups en s’en prenant aux détenteurs de bijoux, et un flic atypique de San Diego. C’est pétillant, orchestré au millimètre, dialogué au scalpel. Le pied.

Le zoo de San Diego, dédié à Elmore Leonard justement est la novella la plus drôle. Ca commence avec un agent en patrouille appelé pour récupérer un chimpanzé échappé du zoo. A priori, cela ne le concerne pas. Sauf que l’animal est armé. D’un flingue. Et que Chris (c’est le flic) qui va devenir une vedette sur internet suite à ses aventures simiesques veut absolument comprendre d’où vient le flingue. Surprise pour ceux qui ne connaissent que le Don Winslow de La griffe du chien, oui, il peut être hilarant.

Les deux suivantes, située à San Diego (Sunset) et Hawaï (Paradise) sont un vrai cadeau aux fans de l’auteur. On y retrouve, dans le désordre : Neal Carey, son premier héros (de Cirque à Piccadilly à Noyade au désert), Bonne Daniels et tous ses potes de La patrouille de l’aube et L’heure des gentlemen, Bobby Z de Mort et vie de Bobby Z, Frankie Machianno de L’hiver de Frankie Machine, Ben, Chon et O de Cool et Savages, et Jack Wade de Du feu sous la cendre. En deux novellas tous les héros cool de Don Winslow sont là. Et forcément, ça fait des étincelles, il y a du surf, de l’amitié, on boit des coups, les dialogues sont impeccables, les déroulés des intrigues et les scènes d’action sont magistraux. Un vrai régal, à déguster sans restriction. Soit on se régale de retrouver des personnages que l’on connaît, soit on se précipite pour lire ce qu’on a raté de cet auteur qui est un conteur hors pair.

Avec La dernière chevauchée Don Winslow redevient sérieux, et sa secoue. On y suit Cal Strickland, texan de la frontière, ancien soldat, qui a voté Trump et s’est engagé dans la police de la frontière. Ses convictions et ses croyances en des valeurs partagées commencent à vaciller quand il croise le regard d’une gamine de 6 ans dans une cage :

« La première fois qu’il a vu la fillette, elle était dans une cage.

Y a pas d’autre mot pour ça, s’est dit Cal sur le moment. On peut bien employer des noms différents – « centre de détention », « camp de rétention », « refuge temporaire » -, quand des personnes sont regroupées derrière un grillage, c’est une cage. »

A partir de là, Cal se dit que s’il veut respecter ce que lui a enseigné son père, texan, républicain et rancher, il ne peut pas laisser une gamine de 6 ans seule dans une cage. Même si les services sensés s’occuper d’elle ne l’aident pas, tant ils sont débordés, même si ses collègues commencent à le mettre à part, même s’il doit tout risquer :

« Son père disait toujours que la plupart des gens sont prêts à faire ce qui est juste quand ça ne coûte pas grand-chose et que personne n’est prêt à le faire s’il faut tout sacrifier.

Mais parfois, c’est vrai, il faut tout sacrifier. »

Très belle novella, construite autour de personnages beaucoup moins flamboyants que ceux précédemment cités, tiraillés, mal dans leur peau, et finalement magnifiques.

Don Winslow / Le prix de la vengeance, (Broken, 2020), Harper Collins (2020) traduit de l’anglais (USA) par Isabelle Maillet.

10 réflexions au sujet de « Le prix de la vengeance »

  1. Alain

    On me l’a offert le we dernier, très bonne pioche ! J’ai lu les 2 premières novellas, un pur régal même si elles sont vraiment très différentes.
    Et le format novellas est super pour les lecteurs moins assidus que toi.
    J’adore Don winslow, c’est tellement bien écrit qu’on est à fond dedans, comme si c’était des personnages vivants dans une très très bonne série.
    Merci de me l’avoir fait découvrir il y a 2 ans!

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    1. actudunoir Auteur de l’article

      Enchanté d’avoir fait découvrir Don Winslow. C’est vrai qu’il a un talent nique pour faire vivre ses personnages, et tu vas voir, les 4 suivantes sont tout aussi excellentes.

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  2. cush

    J’attendais ta critique et celle-ci achève de me convaincre, merci. Je n’ai donc plus qu’à cliquer et collecter chez mon libraire !

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  3. Trane

    Merci Jean Marc, mon libraire est à deux pas de chez moi, ce qui peut être rude pour le porte monnaie !!! Mais dans la situation actuelle pratique, je vais cliquer, abandonner le télétravail, descendre en courant et collecter le précieux livre !!! Le plus difficile, ne pas abandonner le télétravail au profit de ce que vous savez 😉

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  4. Nico

    Quel bonheur !
    Pour ceux qui ne connaissent pas Winslow, c’est une très bonne porte d’entrée !
    Les histoires fonctionnent très bien, et retrouver les personnages de ses anciens romans est un vrai plaisir (même quand c’est juste un clin d’oeil, comme Frankie Machine et Jack Wade).
    Le zoo de San Diego est un hommage à Elmore Leonard mais je pense que Westlake ne l’aurait pas renié non plus !
    J’ai eu l’impression de lire 6 bons romans de Winslow (Crime 101 et Le zoo étant les 2 récits que j’ai préférés).

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