Je continue à écluser les bouquins qui étaient restés sur la pile en cette fin d’année scolaire. Et je fais une incursion à l’est, très à l’est, avec Les assassins de la 5°B de la japonaise Kanae Minato.
Fin d’année en 5°B. Mme Moriguchi, professeur principal fait ses adieux à la classe. Elle a décidé de démissionner. Un mois auparavant, sa fille de 4 ans a été retrouvée morte, noyée dans la piscine du collège. Une mort accidentelle en apparence. Lors de son discours d’adieu, Mme Moriguchi révèle qu’elle sait que ce sont deux élèves de la classe qui ont tué sa fille. Qu’elle ne les a pas dénoncés à la police. Mais que sa vengeance est déjà en marche.
A la rentrée suivante, la déléguée de classe, la mère d’un des assassins, les deux garçons auront tour à tour la parole, apportant chaque fois un nouvel éclairage au drame, jusqu’à la conclusion, machiavélique.
Sans quelques conseils, ici ou là, je ne serais sans doute pas allé vers ce polar psychologique, et j’aurais eu tort. Parce qu’il est passionnant.
La construction est impeccable, tordue à souhait, chaque nouvelle voix venant éclairer les faits d’une nouvelle lumière et apporter son lot de surprises. C’est qu’ici personne n’est celui qu’il parait être. On pense forcément à Rashomon de Kurosawa dans cette façon de raconter le même événement vu par les différents protagonistes. Et cela pourrait être lassant si ce n’était, effectivement, qu’un procédé.
Mais c’est bien mieux que ça, tant la narration est habilement menée, mais surtout, tant chaque personnage, au travers de son récit de ce fait divers, révèle des pans entiers de la société japonaise. Des pans fort mal connus ici (au moins fort mal connus de moi).
L’absence totale du père dans l’éducation : ici seule les mères ont un poids. Comme si le rôle qu’elles abandonnent dans la société du travail renforçait leur pouvoir à la maison, et surtout leur influence sur leurs enfants, et en particulier leurs fils.
L’écrasante pression du regard des autres et de la place dans la société des parents et des enfants.
L’impunité et le manque total de repère de toute une génération d’adolescents, pris dans une sorte de maelstrom entre le matraquage de l’école, l’espoir immense mis sur leurs épaules par les parents et toute la société, et une sorte de début de liberté qui en fait des êtres intouchables, des parents eux-mêmes, mais également des éducateurs.
Autre fait frappant (surtout pour un latin !) le manque de chaleur dans les relations. Une distance, une froideur telles qu’elles en paraissent inexistantes.
Bref, derrière un suspense parfaitement entretenu et un final qui va en surprendre plus d’un, le portrait tout en finesse de la société japonaise qui fait froid dans le dos au français hispanophone que je suis.
Kanae Minato / Les assassins de la 5°B (Kokuhaku, 2008), Seuil/Policiers (2015), traduit du japonais par Patrick Honnoré.
J’ai vraiment beaucoup aimé ce titre.
Encore une très belle découverte.
Vraiment étonnant, je verrai si le seuil en publie d’autres.
A suivre effectivement et avec beaucoup d’attention.
Mince, ça c’est un ajout direct et un boycott de ton blog de suite car tu es décidément trop dangereux !! mdr
Pourtant on ne peut pas dire que je lise très vite ne ce moment !
Hou la ça donne envie de le lire
C’est le but !
Je suis dedans, je devrais le finir ce soir. Pour l’instant il tient largement tes promesses.
Il est vraiment très bien.
Je l ai fini et je te remercie de m’avoir découvrir ce très bon livre. J ai découvert en 4e de couverture que c’était la même auteur que shokuzai dont j’ai vu les2 films qui en ont été tirés l’an passé. On retrouve un peu le même univers: dans shokuzai une mère dont la fille a été assassinée ne pardonne pas à 4 de ses camarades de ne pas pouvoir décrire précisément le visage de son meurtrier à la police et les ‘condamne » à la pénitence. Le livre doit être très bien.je pense que s’il existe en français je le lirai
Merci pour la référence, je ne la connaissais pas. Je note donc.
Dans l’ensemble avec Seuil policiers, on est rarement déçu depuis quelque temps, me semble-t-il (sauf avec le dernier Sam Millar qui m’a un peu laissée sur ma faim, si j’ose dire). Je les prends de façon quasi-systématique pour la médiathèque.
Moi aussi le dernier Millar m’a déçu. Au point que je ne l’ai pas terminé et que je n’en ai pas parlé.
Il est le prochain sur la liste, il me fait de l’oeil depuis quelques temps, mais je pense qu’effectivement, il a besoin d’être conseillé.
Tu me diras.
Commencé hier. Glaçant… (à suivre)
Ca reste glaçant et surprenant.
Extrêmement bien construit, un art consommé de ce type de narration à la Rashômon, un grand plaisir de lecture, même si subsiste ce malaise que me procurent souvent les personnages d’enfants ou d’ados chez les auteurs japonais (y compris dans les animés) car, même quand ils sont stupides, ils le sont à la manière des adultes, avec des expressions d’adultes, etc.
Quoi qu’il en soit une auteure à suivre.
Moi ce sont toutes les relations entre les gens qui me mettent mal à l’aise tant elles sont distantes et paraissent artificielles. Question de culture et d’histoire je suppose.
Certes, surtout les relations parents-enfants. Dans certains animés, les parents n’existent même pas, ou à peine et c’est censé être naturel… Tu me diras, là au moins les parents existent, du moins les mères et… brrrrrr !!!