Revoici Bruna Husky

Je l’annonçais ici-même en fin d’année dernière, Bruna Husky, la réplicante de Rosa Montero revient dans Le poids du cœur. Et c’est toujours aussi bon.

MonteroSix mois après Des larmes sous la pluie, Bruna Husky, la réplicante de combat qui s’est installée comme privée, compte toujours les jours qu’il lui reste à vivre, se saoule toujours au vin blanc, et court toujours après les sous. Un boulot l’amène hors de la Zone Verte de Madrid, dans la Zone Zéro, où respirer peut s’avérer mortel.

Et c’est comme ça qu’elle se retrouve responsable d’une gamine d’une dizaine d’années, douce comme un chat sauvage qu’elle surnomme « le monstre ». C’est peut-être pour ça qu’elle accepte une enquête qui va l’amener très loin de Madrid, où, contrairement à ce qu’on raconte, la guerre sévit toujours.

C’est marrant comme le polar (même quand il se passe dans le futur) se prête au personnage récurrent. A ma connaissance, jusqu’à présent, Rosa Montero n’avait jamais donné suite à un de ses romans. Et là, revoici Bruna Husky. Pour notre plus grand bonheur.

Comme dans le premier volume, l’auteur réussit à merveille sa sauce de polar-SF : On a un personnage de privé hardboiled dans la plus pure tradition : mal dans sa peau, râleuse, sujette à la gueule de bois, en marge … Une marge, où elle n’est pas seule, même si elle est peut-être un spécimen isolé : elle se définit elle-même comme un monstre, trop humaine pour une techno, trop techno pour les humains.

Et on a donc la SF, avec, outre la reprise du personnage de Blade Runner, le recyclage de romans de l’âge d’or : J’ai reconnu Les fontaines du Paradis de Arthur C. Clarke pour l’ascenseur spatial, et L’anneau-monde de Larry Niven pour le monde de Labari. Et il y a sans doute d’autres références qui m’ont échappées … C’est d’autant plus plaisant que Rosa Montero n’en fait jamais trop, n’étale pas sa science, et intègre parfaitement ces éléments à son récit.

Avec ce mélange polar-SF, l’auteur va autopsier un futur proche qui ressemble furieusement à notre présent et en explorer les marges. Quoi que … ici, comme chez nous, les marges commencent à être si étendues et peuplées, qu’on se demande si ce n’est pas la petite enclave très privilégiée de la Zone Verte, qui se protège jalousement du reste du monde qui est, finalement, la vraie marge.

La première scène qui se déroule au pied du mur qui sépare la Zone Zéro (on l’on crève très rapidement) de la Zone Verte, raisonnablement polluée, nous plonge directement dans le bain (glacé !). Car dans ce monde merveilleux qui a interdit de vendre l’air pur (louable intention), des petits malins ont trouvé comment contourner cet empêchement de faire du fric, et ont inventé le droit de vivre dans une zone non polluée, droit monnayable bien évidemment, et très cher. Entre les deux Zones, un mur. Un mur comme on en connait quelques-uns aujourd’hui. Ou comment parler de notre présent en racontant un futur possible …

Tout cela est cuisiné par la chef, pimenté de personnages secondaires fascinants, de références à des horreurs bien actuelles, et à des horreurs futures très plausibles. Avec aussi de vrais moments de bonheur, des pointes d’humour, une tendresse évidente pour ses créations, une bonne dose de rage, et beaucoup plus de questions que de réponses. Le tout lié par une intrigue solide qui réserve quelques surprises.

Un roman étonnant, intelligent, sensible, qui fait plaisir et fait réfléchir, fait sourire et trembler, donne même parfois envie de pleurer … A lire donc.

Rosa Montero / Le poids du cœur (El pezo del corazón, 2015), Métailié (2016), traduit de l’espagnol par Myriam Chyrousse.

7 réflexions au sujet de « Revoici Bruna Husky »

  1. keisha41

    Oh oui oh oui! Je n’ai pas vu toutes ces références SF, mais tant pis, c’est très bon quand même… Je lis polars, noir et SF occasionnellement, et j’aime ces genres, mais pour un récalcitrant (il y en a qui se font de fausses idées) c’est parfait car ça se lit ‘comme un roman roman’ si tu vois ce que je veux dire. A conseiller à tous! (et moi aussi je veux une suite, imaginons qu’on découvre un moyen pour éviter la barrière des 10 ans? mais non, ça enlèverait beaucoup au personnage)

    Répondre
  2. martichat

    Je ne suis pas lectrice de SF, ni cinéphile de SF, mais l’aspect polar me tente quand même.
    Dommage… parce que j’espère parfois que tu ne me donneras pas envie de lire un livre pour en avoir moins à rajouter sur ma liste !!!

    Répondre

Laisser un commentaire