Dernière réédition, après, promis, je me remets aux nouveautés. Un roman passé inaperçu, ou presque, lors de sa sortie dans la regrettée collection La Noire où Patrick Raynal publiait les bijoux qu’il découvrait mais qui ne cadraient pas avec la série noire : Le bon frère de Chris Offut.
Dans les collines perdues du Kentucky, Virgil est satisfait de son sort. Il a un boulot, une cabane simple mais qui lui suffit, sa famille, et les bois qu’il connaît par cœur. Jusqu’au jour où Boyd, son grand frère, tête brûlée du coin est tué. Tout le monde connaît l’assassin, mais le shérif ne fera rien faute de preuve. Et tout le monde attend de Virgil qu’il applique la loi du talion. Aucun moyen pour lui d’échapper à cette vengeance qui, immanquablement, amènera une autre vengeance …
Pendant des semaines, Virgil va examiner toutes les options. Quoi qu’il fasse, sa vie tranquille dans les collines du Kentucky est terminée.
Chris Offut est un auteur rare, ses textes sont d’autant plus précieux. Je me souvenais de ce roman, et de nouvelles extraordinaires Kentucky Straight, également publiées dans la Noire. Et j’ai pris un immense plaisir à le relire.
Quelle puissance dans la description de ces mondes perdus, quelle humanité dans celle de ces habitants du Kentucky. On pense évidemment à Larry Brown ou Daniel Woodrell. C’est aussi dur, âpre et tendre à la fois. Une façon unique de décrire un monde rural, prolétaire, loin, très loin des grandes villes. Un monde où d’autres lois s’appliquent, un monde qui s’est inventé ses propres règles, un monde abandonné et ignoré par le reste du pays.
Et pour ceux qui croiraient à une unicité des grands espaces américains, le passage du Kentucky au Montana est superbement rendu. Deux univers complètement différents, dans leurs paysages, leurs climats et leurs populations. Différents dans leur rapport au reste du pays, différents dans leurs préjugés. La peinture des milices fascisantes et délirantes du Montana est saisissante, le terreau sur lequel elles poussent et la réaction instinctive mais manquant de mots de Virgil sont décrits de façon limpide.
C’est superbe, incroyablement humain, écrit au raz, non pas du bitume mais de la terre, c’est un bol d’air, de noirceur, d’amertume, de folie, de joie, c’est d’une empathie et d’une tendresse qui serrent la gorge, et c’est une putain de bonne histoire.
Merci messieurs Raynal et Gallmeister de nous permettre de lire et relire Chris Offut !
Chris Offut / Le bon frère (The good brother, 1997), Gallmeister/Totem (2016), traduit de l’anglais (USA) par Freddy Michalski.
Je l’ai vu tout à l’heure sur le site de Gallmeister mais je ne savais pas que c’était une réédition. Je l’avais noté, donc, tu ne fais que confirmer la chose, vilain garnement ! 😛
Je confirme, et c’est bien une réédition, dans la traduction d’origine déjà due à l’excellent Michalski.
Ok, donc vaut mieux lire la version de Gallmeister alors ! Ils font un boulot de retraduction, eux, super !
Je me suis mal expliqué : Gallmeister a repris l’excellente traduction d’origine de Freddy Michalski. C’est exactement le même texte que celui paru à l’origine dans La Noire. Sauf qu’on ne trouve plus la Noire … D’où l’intérêt de la réédition.
OK ! Je vous ai compris… mdr
Mais on pourrait retrouver la Noire dans les bouquineries, par contre ! 😉
Surement, il doit en trainer d’occase ici ou là.
Faudra que je fouille…
Je vais bientôt le recevoir dans le cadre d’un partenariat.
Bonne lecture alors.
wouah, quel roman « incroyablement humain » comme tu le soulignes. Quelle force ! Merci encore Gallmeister pour cette belle découverte
N’est-il pas ? Et j’ai cru entendre parler de la réédition de ses magnifiques nouvelles bientôt. A ne pas rater.