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Tout ce qui meurt

Suite à un petit coup de mou, et deux bouquins laissés avant la cinquantième page, j’ai décidé de me faire un petit plaisir et de reprendre la série Charlie Parker de John Connolly à son début. Tout ce qui meurt donc.

Un soir qu’il était en train de picoler, un tueur psychopathe a sauvagement assassiné la femme et la fille de Charlie Parker, flic à New-York. Quelques mois plus tard, Bird est sobre et a démissionné de la police. Il cherche désespérément le tueur. Une quête qui va le conduire sur les traces d’autres assassins, de New-York aux bayous de Louisiane. Heureusement qu’il peut compter sur l’aide de deux amis non conventionnels, Angel et Louis, aussi drôles que redoutables.

Voici donc les débuts de Bird et de ses deux acolytes, Angel et Louis. C’est aussi le roman qui plante le décor et les traumatismes qui seront présents durant toute la série (du moins jusqu’à ce jour). L’humour est présent, la pointe fantastique n’apparait pas encore. Et l’on est dans une sorte d’hommage au grand James Lee Burke avec une deuxième moitié du roman qui se déroule dans les bayous de Louisiane.

Le talent de conteur est déjà là, le décor et les personnages se mettent en place. Je ne sais pas si à l’époque John Connolly avait la moindre idée de là où il voulait aller, mais il donnait déjà envie de suivre ses héros.

A lire absolument si vous voulez découvrir cet auteur tant il plante les bases sans lesquelles il est difficile de comprendre l’évolution future de Charlie et de ses potes. Et puis c’est déjà un vrai plaisir de lecteur de polar, pour ceux qui aiment qu’on leur raconte des histoires horribles avec du suspense et une belle dose d’humanité.

John Connolly / Tout ce qui meurt, (Every dead thing , 1999), Pocket (2001) traduit de l’anglais (Irlande) par Philippe Hupp et Thierry Arson.

La jeune femme et l’ogre

Si vous êtes habitués vous savez que je suis un fan inconditionnel de Charlie Parker, pas le saxophoniste (en fait j’aime aussi le saxophoniste), mais le privé de l’irlandais John Connolly. Et en tant que fan, je peux vous assurer que le dernier roman paru La jeune femme et l’ogre fait partie des très très bons de la série.

Le corps d’une jeune femme est découvert lors de la chute d’un arbre dans une forêt du Maine. L’autopsie révèle qu’elle venait d’accoucher quand elle est décédée. Charlie Parker est embauché par un avocat pour découvrir ce qu’il est advenu du bébé. Une affaire a priori facile.

Mais, car il y a un mais, deux anglais sinistres sont également sur la piste de l’enfant, et leurs méthodes sont beaucoup plus vicieuses et brutales que celles de Charlie qui va avoir besoin de toute l’aide possible, dont celle de son ami Louis, pour se sortir d’affaire.

John Connolly est, à mon avis, l’un des meilleur raconteur d’histoires actuellement dans le monde du polar. Après des années et des années de lecture du genre, il fait aujourd’hui partie des rares auteurs qui arrivent à m’attraper dès la première page, et qui me font dévorer plus de 500 pages en 2 jours, m’obligeant à restreindre au maximum tout ce qui n’est pas lecture dans mon emploi du temps tant que je ne suis pas arrivé à la dernière ligne. Et La jeune femme et l’ogre est particulièrement réussi.

Très sombre, comme souvent, éclairé très rarement par l’humour très irlandais de l’auteur, qui arrive à faire rire et sourire même au milieu des pires horreurs. Illuminé par la présence de quelques personnages. Assombri finement par un côté fantastique qui colore le récit sans jamais céder à la facilité, c’est la marque de fabrique de la série.

Et mine de rien, ça cause de la remontée du racisme, de l’arrogance des abrutis d’extrême droite, des violences faites aux femmes … Et de la lutte des classes dont d’aucuns voudraient nous faire croire qu’elle n’est plus d’actualité. En témoigne le début de la deuxième partie du roman :

« Quiconque pense que les Etats-Unis d’Amérique sont une société libre de classe n’a qu’à venir faire un tour au Boston Colonial Club pour prendre conscience de son erreur. Mais dans la mesure où quelqu’un qui pense que les Etats-Unis d’Amérique sont une société libre de classe ne sera probablement jamais invité à rejoindre le club, et ne pénètrera jamais dans son palace de Commonweath Avenue que par l’entrée de service, alors ses illusions resteront intactes. […] Au Colonial, la majeure partie des membres jouissaient de très vieilles fortunes. La liste des règles était considérable, mais pouvait se résumer ainsi :

  • Interdit d’étaler vulgairement son opulence.
  • Interdits aux pauvres. »

Dernière chose, il serait dommage de découvrir la série avec ce volume, l’auteur dans chaque nouveau roman construit, patiemment toute l’histoire singulière de Parker et de ses amis Louis et Angel. On peut bien entendu lire ce volume indépendamment, mais ce faisant on perd la vision du tableau d’ensemble. Donc si vous ne connaissez pas, précipitez-vous sur Tout ce qui meurt, le premier de la série, et si vous êtes déjà fans, sachez qu’il y a un nouveau volume.

John Connolly / La jeune femme et l’ogre, (The woman in the woods, 2018), Les presses de la cité (2022) traduit de l’anglais (Irlande) par Laurent Philibert-Caillat.

Le pacte de l’étrange

Heureusement qu’un lecteur attentif m’a signalé la sortie d’un nouveau Charlie Parker, pas le saxophoniste bien entendu, mais le privé de John Connolly : Le pacte de l’étrange.

ConnollyCela commence de façon on ne peut plus classique : Charlie Parker est contacté par l’agent Ross du FBI pour retrouver un privé qui bossait pour lui, Jaycob Eyklund, disparu depuis quelques jours. Mais quand Charlie Parker et ses deux amis Angel et Louis se mêlent d’une affaire, elle reste rarement classique.

C’est comme ça qu’il va se retrouver sur le traces d’une étrange communauté vieille d’un peu plus de deux siècles, les Frères. Une communauté très secrète qui aurait pas mal de disparitions et de meurtres à son actif. Ajoutez des mafieux, Rachel, son ex, qui ne veut plus qu’il voit leur fille Sam ;  la vie de Charlie Parker continue à être compliquée.

Les habitués le savent, je suis fan de cette série Charlie Parker. J’aime le mélange des genres avec sa pointe de fantastique, j’aime son humour, j’adore les personnages, et j’aime le talent de conteur de l’auteur.

Une fois de plus, je n’ai pas été déçu. Même si ce n’est pas le meilleur de la série, la faute peut-être à des adversaires un peu plus faibles que d’habitude, qui font qu’on ne tremble guère pour Parker et ses deux acolytes, cela reste le très haut de gamme du divertissement.

Un peu plus de fantastique que parfois, toujours l’habileté de l’auteur qui arrive à mêler du surnaturel à ses histoires, mais sans jamais s’en servir pour faire avancer l’intrigue, des personnages secondaires aussi passionnants que le trio infernal, et beaucoup d’empathie, de suspense et d’émotion dans la description des relations entre Charlie, son ex, et leur fille qui, on le sent, va prendre de plus en plus d’importance dans la suite.

A lire donc pour les fans, mais attention pour ceux qui voudraient la découvrir, c’est une série qu’il faut impérativement commencer par le début si l’on ne veut pas passer à côté de beaucoup de détails.

John Connolly / Le pacte de l’étrange, (A game of ghosts, 2017), Presses de la cité/Sang d’encre (2020) traduit de l’anglais (Irlande) par Jacques Martichade.

John Conolly toujours impeccable

Ce n’est pas un mystère pour les fidèles du blog, j’adore les enquêtes de Charlie Parker, le privé créé par l’irlandais John Connolly. La dernière en date Le temps des tourments est toujours aussi bien.

ConnollyJerome Burnel était un homme ordinaire. Puis, par hasard, parce qu’il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment et qu’il a eu de la chance, il est devenu un héros. Pour ensuite devenir un paria quand on a découvert chez lui et sur son ordinateur des photos à caractère pédophile.

Plus tard, en sortant de prison, il prend contact avec Charlie Parker. Il veut que celui-ci démontre son innocence, c’est tout ce qu’il lui reste car il est persuadé que ceux qui l’ont piégé vont venir le chercher et le tuer. Le privé et ses deux amis peu recommandables, Louis et Angel sont plutôt convaincus de la sincérité de l’homme.

Quand il disparait quelques jours après leur rencontre ils décident d’enquêter. Une enquête qui va les mener vers le sud, vers l’Entaille, une communauté anachronique en Virginie occidentale.

Que dire que je n’ai déjà dit pour parler de ce quatorzième volet des enquêtes de Charlie Parker ? Compliqué …

Moi qui ne suis pas particulièrement fana des purs thrillers, j’aurais tendance à dire aux amateurs que, tant qu’à lire du thriller, autant lire du très haut de gamme. Avec une vraie écriture, avec un parti pris audacieux d’inclure du fantastique sans jamais s’en servir pour faire avancer l’intrigue, avec des personnages hors norme (Charlie, Louis, Angel et les deux monstrueux frères Falci), avec de l’humour et une noirceur terrible, avec des affreux toujours superbement réussis, avec un auteur qui est un conteur magnifique …

Lisez John Connolly en résumé. Le temps des tourments a beau être un pavé, plus long que les précédents, il se dévore, Parker évolue, on commence à entrevoir un rôle que pourrait jouer sa fille Samantha, on se régale, et on attend la suite avec impatience.

John Connolly / Le temps des tourments (A time of torment, 2016), Presses de la Cité (2018), traduit de l’anglais (Irlande) par Jacques Martichade.

Pas de repos pour Parker

Je suis un grand fan de John Connolly et de Parker, je ne pouvais pas rater le dernier : Le chant des dunes.

ConnollyCeux qui suivent les aventures de Charlie Parker, le privé très dur à cuire de John Connolly savent qu’il a salement dégusté. Aidé de Louis et Angel, ses deux potes (pas très recommandables), il s’installe à Boreas, petite ville balnéaire du Maine. Même si tout le monde n’est pas enchanté de voir débarquer un homme qui attire systématiquement les ennuis, il compte bien se reposer et récupérer petit à petit.

Jusqu’à ce qu’un cadavre vienne s’échouer sur la plage de Boreas. Et que non loin une famille soit massacrée. Et que sa voisine, seule avec sa fille, semble avoir peur de quelqu’un, ou quelque chose … Décidément, il n’y a pas de vacances possibles pour Charlie et le mal est partout.

Quel putain de conteur que ce John Connolly ! Dès les premiers paragraphes on est ferré, dans l’ambiance, sous le charme. En quelques pages, alors qu’il ne s’est encore rien passé, en trois dialogues avec Louis en Angel on est foutu, accroché, suspendu au bout de sa ligne.

Roman après roman il construit une œuvre unique, arrivant à mêler l’humour des dialogues avec la noirceur absolue du mal individuel et collectif, une œuvre pimentée de pointes de fantastique qui lui donnent une saveur et une profondeur très particulière sans que jamais il ne cède à la facilité d’utiliser ce fantastique pour se sortir d’impasses narratives.

Je comprends qu’on puisse être gêné par ce parti pris, moi j’adore ça, et je prends autant de plaisir à suivre la lutte encore mystérieuse entre Parker et « les autres » qui court d’un roman à l’autre que chaque intrigue individuelle.

Et quel autre auteur est donc capable de nous faire rire (avec deux ou trois scènes d’anthologie avec Louis et Angel ou les deux frères monstrueux qui aident parfois Charlie), de nous émouvoir aux larmes ou de nous faire frémir d’horreur, tout cela dans le même roman ?

Cerise sur le gâteau, en plus de nous divertir et de nous secouer, il se permet le luxe d’évoquer des thèmes qu’on ne manipule pas si facilement … Il y a eu les traumatismes de la guerre, le fanatisme religieux, cette fois c’est la Shoah et les circuits qui ont permis à nombre de criminels nazis d’échapper au jugement et de se réfugier aux US.

Bref, lisez tout John Connolly, sauf si vous êtes résolument et définitivement allergique au mélange des genres et au fantastique. Mais ce serait dommage.

John Connolly / Le chant de dunes (A song of shadows, 2015), Presses de la cité/Sang d’encre (2016), traduit de l’anglais (Irlande) par Jacques Martichade.

La face cachée de la prospérité

Un nouveau Charlie Parker (le privé, pas le musicien) de John Connolly (Connolly, pas Connelly) c’est toujours une bonne nouvelle. Le dernier, Sous l’emprise des ombres ne déroge pas à la règle.

connollyJude, un sans-abri connu de tous à Portland était en train de collecter tout ce qu’il pouvait trouver comme argent pour engager Charlie Parker quand il s’est suicidé. Il voulait qu’il l’aide à découvrir ce qui était arrivé à sa fille, une ancienne junkie qui était en train de s’en sortir. La dernière fois que quelqu’un l’a vue, elle s’apprêtait à aller retrouver un boulot dans la petite ville de Prosperous. Le moins qu’on puisse dire c’est que Jude n’y a pas été très bien accueilli.

Charlie a des doutes sur le suicide, et quand il va à Properous, il en revient avec une sale, impression, une très sale impression, celle d’une ville qui cache des secrets vraiment moches. Il ne se trompe pas, et il va avoir besoin, une fois de plus, de l’aide de ses amis Angel et Louis.

Encore un excellent Charlie Parker, avec de l’humour (noir certes mais de l’humour), des personnages qu’on adore, comme les affreux Louis et Angel ou les deux frères Fulci, et bien entendu Charlie, de l’action, une angoisse qui monte, un zeste de fantastique …

Ca c’est la base de tous les romans de Connolly. Ajoutez des affreux par douzaines, quelques psychopathes déjà connus des lecteurs mais également cette ville de Prosperous, atroce dans son apparente normalité qui cache une abomination. Ce village personnage est une vrai réussite de Connolly, la face cachée des sourires faux de tous les prédicateurs et de toutes les dames patronnesses, vraiment flippant et très très réussi.

Et comme souvent chez Connolly, derrière l’action, l’humour et le suspense, le portrait d’une Amérique, ou plutôt ici de deux Amériques : celle des petites villes très religieuses et en apparence très propres, et celle des homeless, ceux qui, pour une raison ou une autre, vivent dans la rue. Cette dernière étant représentée par deux ou trois personnages inoubliables.

En résumé, un très bon Charlie Parker.

John Connolly / Sous l’emprise des ombres (The wolf of winter, 2014), Presses de la cité/Sang d’encre (2015), traduit de l’anglais (Irlande) par Santiago Artozqui.

Charlie Parker subit La colère des anges

Je continue avec les auteurs irlandais, tout en changeant totalement de style avec le dernier John Connolly (encore un auteur qui n’est pas assez connu à mon humble avis) : La colère des anges.

ConnollyAu fond des forêts du nord du Maine git un avion. Cela fait des années qu’il s’est écrasé là, et personne ne s’en est jamais inquiété. Presque personne. Parce que dans cet avion il y a une liste que certains voudraient récupérer, et d’autres détruire. C’est comme ça que Charlie Parker et ses amis Angel et Louis se retrouvent sur la piste. Mais ils ne sont pas les seuls, de vieilles connaissances sont aussi en chasse. Le Collectionneur qui mène sa propre guerre, mais aussi une femme inquiétante et un jeune garçon vieux avant l’âge, un gamin qui ressemble de façon troublante à un être qu’ils croyaient avoir éliminé.

John Connolly au sommet de son art de conteur. Quand on ouvre le bouquin, impossible de la lâcher. Il vous attrape par le bout du nez et mène le bal avec une maestria confondante. Autant j’avais trouvé que le précédent, La nuit des corbeaux, était un Charlie Parker mineur, autant avec celui-ci il revient très très fort. Et au passage, il éclaire un peu le précédent, ou plus exactement, il l’assombrit …

Comme toujours, le fantastique est là, présent, en toile de fond, sans jamais jouer le rôle du Deus ex machina. Pas de tour de passe-passe, tout peut s’expliquer de façon « naturelle ». Et derrière les personnages qui s’agitent, le Mal est certes une entité métaphysique, mais aussi et de plus en plus une entité très réelle, très terre à terre, avec de nouveaux Commanditaires qui n’apparaissent jamais mais tirent les ficelles dans l’ombre. Du coup, Connolly et Charlie Parker dans leur lutte contre un Mal absolu se politisent de façon de plus en plus claire et ouverte.

Ce qui n’est bien évidemment pas pour me déplaire (hihi). Mais n’est que la cerise sur la gâteau, tant le plaisir de retrouver Charlie, Angel, Louis et les histoires fascinantes de l’oncle John est immense, qu’il y ait ou non un contenu politique. Vivement le prochain.

John Connolly / La colère des anges (The wrath of angels, 2012), Presses de la cité (2013), traduit de l’irlandais par Jacques Martichade.

Charlie Parker : La nuit des corbeaux.

Le lecteur de polar est en général quelqu’un de fidèle, qui s’attache aux personnages récurrents. John Dortmunder, Pepe Carvalho, Adamsberg, Dave Robicheaux, Mendez, Harry Hole … Et Charlie Parker, le privé de John Connolly, le plus américain des irlandais, qui revient dans La nuit des corbeaux.

connolyPastor’s Bay, un bled vraiment perdu du Maine. Randall Haight est venu s’y installer quand il est sorti de prison. A quatorze ans, avec un autre gamin, ils avaient tué une fille de leur âge. Bien des années plus tard, ils sont sortis de prison avec une nouvelle identité pour tenter de refaire leur vie, leur dette envers la société payée.

Randall y est arrivé. Jusqu’à ce qu’une adolescente disparaisse à Pastor’s Bay, au moment même où Randall se met à recevoir des courriers anonymes prouvant que quelqu’un connaît sa véritable identité. Bien qu’il n’aime pas le personnage, Charlie Parker accepte, à la demande de son avocate, d’enquêter pour essayer de trouver qui a retrouvé Randall …

Ce n’est pas le meilleur Charlie Parker. C’est même un des plus faible de la série. Essentiellement parce que le méchant de l’histoire est beaucoup moins effrayant que dans certains autres épisodes, ce qui fait qu’on tremble peu pour le privé. Aussi parce que, même s’ils apparaissent brièvement, ses deux anges gardiens, Angel et Louis y ont un rôle très secondaire. Un peu aussi parce que les promesses entrevues de fantastique et d’une présence fantomatique rodant dans l’ombre ne sont pas toutes tenues …

Mais cela ne veut pas dire qu’on s’ennuie, loin de là. Parce qu’un Charlie Parker moins intense reste quand même un excellent polar, parfaitement construit et écrit et qu’on est toujours enchanté de retrouver Charlie et ses potes. Parce que l’humour noir est toujours présent, parce que les descriptions sont toujours aussi belles, parce que le désespoir de Charlie décrit par son créateur est toujours aussi poignant et pour la justesse de la description de l’Amérique qui transparait sous l’histoire.

Donc une bonne lecture en attendant le prochain épisode.

John Connolly / La nuit des corbeaux (The burning soul, 2011), Presses de la cité/Sang d’encre (2012), traduit de l’irlandais par Jacques Martichade.

Un Connolly que j’avais oublié

J’avais laissé passer un Charlie Parker, pas le saxo, le privé de John Connolly. J’ai réparé mon erreur et ai fini par lire L’empreinte des amants.

Charlie Parker c’est vu retirer sa licence de privé, ce qui le cantonne à un boulot de barman. Jusqu’au jour où il décide d’enquêter sur sa propre famille. Quelques temps auparavant Le collectionneur, sinistre personnage qu’il a croisé en des circonstances pénibles lui a suggéré qu’il n’était pas vraiment le fils de ses parents. Et a vaguement parlé de la mort de son père.

Un père flic sans histoires qui, alors que Charlie avait quinze ans, a abattu sans raison apparente deux adolescents avant de se suicider. Charlie décide de fouiller son passé, au risque de mettre à jour des secrets dérangeants. Et de s’attirer les pires ennuis.

Plus on avance dans les aventures de Charlie Parker, plus le côté fantastique est marqué, et plus on approche de sa véritable nature. Cet épisode est particulièrement intime, plus introspection qu’enquête extérieure.

Plus intime, mais avec le même sens de l’intrigue, le même humour, la même qualité d’écriture, la même facilité à mélanger d’une façon qui semble naturelle et évidente enquête policière classique et éléments fantastiques. Et on retrouve toujours avec le même plaisir Angel et Louis, leur humour, leur violence imprévisible.

Bref, si vous voulez un thriller palpitant, bien écrit, avec de vrais personnages et une vraie histoire, sans oublier une belle description de l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui, lisez John Connolly.

John Connolly / L’empreinte des amants (The lovers, 2009), Pocket (2011), traduit de l’anglais (Irlande) par Jacques Martichade.

Il faut lire John Connolly !

J’ai déjà écrit tout le bien que je pense de John Connolly. Et bien, à l’occasion de la sortie de son dernier roman Les murmures, je recommence. Et à force, je finirai bien par vous convaincre de le lire.

Le Maine, au nord-est des Etats-Unis. La frontière avec le Canada est une vraie passoire. Drogue, immigrés clandestins, armes … Tout passe et repasse. Depuis peu, de nombreux anciens soldats d’Irak se sont installés dans la région. Ils y ont apporté un nouveau trafic : celui des œuvres d’art anciennes volées au musée de Bagdad. Ils ne savent pas que, parmi ces trésors, se cache un objet très anciens, très précieux, très … dangereux. Et les suicides commencent. Chargé d’enquêter sur l’un de ces soldats, Charlie Parker, ex flic devenu privé va se trouver sur les traces d’un Mal aussi vieux que l’humanité. Un Mal qu’il n’est pas le seul à traquer.

Le hasard de mes lectures fait que pour la première fois je m’aperçois combien les univers de John Connolly et de James Lee Burke sont proches. Et nouveau hasard, dans cet opus, Charlie Parker, pour passer le temps, lit un roman de James Lee Burke. Je me suis même demandé comment je ne m’en étais pas rendu compte plus tôt.

Les deux ont un personnage récurrent hanté par ses démons, par ses morts, et par les morts de l’Histoire qui ne les laissent jamais en paix. Les deux doivent en permanence (ou presque) lutter contre leur propension à la violence. Les deux ont des amis … peu conventionnels (même si Louis et Angel sont un poil plus bizarres et imprésentables que Clete Purcel). Les deux affrontent souvent un mal métaphysique. Les deux auteurs aiment pimenter leurs romans d’une pointe de fantastique (plus prononcée chez Connolly). Enfin les deux auteurs excellent dans les descriptions poétiques de la nature, plus inquiétantes chez Connolly, plus lyriques chez Burke …

Ce qui n’empêche pas des différences, la plus importante à mes yeux étant que Connolly n’a pas, comme Burke, un attachement viscéral à une région.

Et puis, un dernier point, les deux sont deux sacrés auteurs ! Et ce nouvel épisode des aventures de Parker en est la preuve, avec tous les ingrédients habituels : une solide histoire, un suspense parfaitement maîtrisé, des personnages que l’on a plaisir à retrouver (comme ses amis Louis et Angel, ou Le Collectionneur, vieille connaissance …) des dialogues qui claquent (surtout quand Angel et Louis sont de la partie) et une pincée de fantastique pour épicer le tout sans pour autant tomber dans la facilité.

Et c’est une grande force de Connolly ce tour de main pour assaisonner au fantastique. Car si, indéniablement, des forces « hors normes » et des créatures pas franchement réalistes interviennent, l’auteur ne se permet aucune facilité de scénario, et aucun élément de résolution ou d’action n’est fantastique. Tout pourrait n’être qu’une vision de l’esprit des personnages, l’effet d’une folie passagère, un cauchemar très réaliste … Même si le lecteur SAIT que le machin là, existe pour de vrai … dans le roman. Juste un frisson de plus, une pincée lovecraftienne au pays des hardboiled. J’adore ça !

Cette fois l’histoire sert de toile de fond à une réflexion sur le traumatisme des guerres, les blessures visibles ou pas qu’elles génèrent, la façon dont les anciens soldats sont accueillis en rentrant chez eux. Des thèmes récurrents aux US, qui semblent montrer que les choses n’ont guère évolué depuis le siècle dernier.

Bref, un roman puissant, original et instructif, en un mot passionnant. De quoi, j’espère, vous donner envie de lire tous les John Connolly.

John Connolly / Les murmures (The whisperers, 2010), Presses de la Cité/Sang d’encre (2011), traduit de l’anglais (Irlande) par Jacques Martichade.